Cette semaine, on parle de santé mentale dans tous les médias, sur toutes les chaines, même les entreprises de tous les domaines en parlent. En ergothérapie, la santé mentale est un domaine où la profession est présente depuis ses tout débuts. Des ergothérapeutes œuvrent ainsi dans les programmes de psychiatrie, de pédopsychiatrie, dans les équipes de soutien psychosocial des CLSC, travaillent auprès des travailleurs en arrêt de travail, auprès d’enfants qui présentent un TSA, de l’anxiété et soutiennent également les enfants et les adultes dans leurs habiletés de régulation des émotions. Toutefois, tout un volet de la santé mentale demeure peu exploré jusqu’à maintenant en ergothérapie.

J’ai donc envie de vous parler de la santé mentale périnatale.

Devenir mère, ou devenir parent, c’est comme s’embarquer dans un bateau sans savoir où il s’en va et sans trop savoir comment le diriger. Sans manuel. Sans instructions. Les futurs parents ont beau lire tous les livres sur le sujet, ils finissent quand même par apprendre à devenir parent un peu « sur le tas », par leurs expériences et par ce que leur bébé leur amène et leur fait vivre et découvrir.

La maternité est un nouveau rôle qui arrive tout d’un coup dans sa vie, dès le début de la grossesse et même dans la période précédant la grossesse. Ce nouveau rôle devient rapidement central dans sa vie, domine les autres pendant des mois, des années et oriente ses choix de vies et ses actions. La psychologue américaine Alexandra Sacks, spécialisée en santé mentale périnatale a mis un nom à cette transition vers la maternité : la matrescence. Mélange de maternité et adolescence, cette période en porte ainsi diverses caractéristiques communes, incluant les changements de rôles, de responsabilités, les variations hormonales, les changements du corps, les remises en question et la recherche de sens et d’identité.

Cet apprentissage vient avec son lot de stress pouvant occasionner des sentiments de perte de contrôle, de perte de sens, les mères peuvent se sentir facilement dépassées par tous ces changements et ces responsabilités. Avec l’arrivée du bébé, les parents se retrouvent catapultés dans un lot de nouvelles et nombreuses responsabilités, à devoir consacrer la majeure partie de leurs journées et de leurs nuits à ce petit poupon fragile, à apprendre à détecter les besoins de leur enfant, à développer leurs compétences de parent et à tenter de subvenir à leurs propres besoins physiques de base. Les activités partagées ou les co-occupations entre le parent et le bébé deviennent centrales à leur quotidien et prennent rapidement toute la place.

En ergothérapie on parle beaucoup du concept d’équilibre occupationnel. Il n’y a rien de plus déséquilibré que l’organisation de ses occupations lorsqu’un parent revient à la maison avec un poupon dans les bras la première fois pour ensuite enfiler les nuits blanches et les journées chaotiques. Les demandes d’un poupon et les soins à lui porter sont nombreux et varient d’un bébé à l’autre et d’une famille à l’autre. Qu’on pense à l’allaitement ou l’alimentation au biberon, au sommeil, aux petits et grands maux, aux positions de sommeil, à la stimulation du bébé pour favoriser son développement harmonieux, aux suivis médicaux ou de la sage-femme et de l’infirmière périnatale, s’occuper de son enfant et de tout ce qui l’entoure devient alors la principale occupation. Les besoins du bébé prennent le dessus avec l’intensité d’un raz-de-marée et les besoins de la mère s’effacent derrière ceux-ci.

Alors que la nouvelle mère s’ajuste à ces nouvelles activités et préoccupations, elle doit aussi souvent composer avec un corps en guérison, en rétablissement. Parfois, l’accouchement a été dur, éprouvant ou même traumatique. Le corps en garde des traces, les organes reprennent leur place tranquillement dans un corps qui a changé et qui ne fonctionne pas à son plein potentiel. Fatigue extrême, douleurs, enflure, saignements, œdème, cicatrices, déchirures, raideurs, mouvements difficiles. J’ai souvent comparé l’accouchement à un long marathon, exigeant un effort physique immense comme peu d’autres activités l’exigeront, mais qu’à la fin de ce marathon, la récupération est impossible, le sommeil inexistant et un être humain dépend alors de ce corps épuisé pour sa propre survie.

Tout n’est certainement pas noir dans la maternité, mais l’image idyllique de la mère parfaite, épanouie, énergique et débordante de bonheur amène un idéal impossible à atteindre. Des sentiments d’échec, d’incompétence ou de désarroi surviennent chez la mère lorsqu’elle n’arrive pas à atteindre ses idéaux dans sa vie quotidienne. Le déséquilibre qu’elle vit alors dans ses occupations, dans ses rôles et le bouleversement total et irrémédiable de sa vie quotidienne peut devenir cause de souffrance et de détresse.

En plus de ces émotions et de ces ajustements, les variations hormonales liées à la grossesse et à l’allaitement, par des phénomènes encore peu compris ou étudiés, sont parfois liés à des symptômes et à une détresse plus sévères pouvant mener à une dépression post-partum, à de l’anxiété post-partum et à plusieurs autres problèmes de santé mentale. Les statistiques précisent que la dépression post-partum est présente chez 10 à 15% des mères, soit une femme sur 7. Au-delà des diagnostics officiels, 23% des mères affirment présenter des sentiments anxieux ou dépressifs durant la période post-natale, souvent même avant la naissance et près d’une mère sur 3 se dit inquiète pour sa santé mentale en période post natale. Les études démontrent aussi que ces problèmes, lorsque non traités et non accompagnés, se poursuivent jusqu’à ce que l’enfant soit âgé de 4 ou 5 ans dans 50 à 70% des cas.

Les impacts des troubles de santé mentale périnatale sont clairs et dévastateurs. Ils doivent être adressés rapidement pour en prévenir les conséquences sur la vie de la mère, de l’enfant et sur l’équilibre familial. Actuellement au Québec, non seulement les ressources pour ces mères demeurent très limitées et difficilement accessibles, mais ces problématiques nécessitant un suivi professionnel sont souvent sous diagnostiqués et sous-détectés. La détresse de ces mères passe donc inaperçu, n’est pas adressée et elles ne reçoivent pas le soutien dont elles ont besoin. De nombreuses mères verbalisent qu’elles se sentent souvent peu soutenues après la naissance de leur bébé et qu’il leur est souvent difficile de trouver le soutien dont elles ont besoin.

L’ergothérapeute est un professionnel de la santé qui par son approche holistique de la personne, peut ainsi adresser les besoins des nouveaux parents tant au plan physique que mental. Son approche est entièrement ancrée dans le quotidien, dans la vie de tous les jours et dans les activités que la personne réalise dans son quotidien et qui donnent un sens à sa vie. Le bouleversement du quotidien du nouveau parent et de la nouvelle mère est tel que le soutien de l’ergothérapeute est tout indiqué pour soutenir, guider et accompagner les parents et les mères dans leur appropriation et dans leur adaptation à leurs nouvelles activités associées au rôle de parent.

L’ergothérapeute permettra ainsi à la nouvelle mère de trouver ou de développer des méthodes qui protègent son corps et qui facilitent sa guérison et son rétablissement, l’aidera à favoriser un sommeil plus réparateur, l’aidera à faciliter le déroulement et l’exécution des routines avec bébé et des activités partagées et accompagnera les parents dans leurs émotions, leurs sentiments afin de les aider à reprendre le contrôle et à trouver l’équilibre dans leur vie quotidienne. Il est essentiel de recréer un « village » autour des nouveaux parents, de leur permettre d’être soutenus de différentes façons, par des personnes clé qui arrivent au bon moment avec le soutien et l’aide dont ils ont besoin. Il est essentiel que l’aide offerte aux parents leur permettre de retrouver un équilibre dans leurs occupations et leur vie, les aidant à se réaliser pleinement et à vivre des sentiments de réussite et de bien-être dans cette nouvelle étape de leur vie.

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